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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

gantine et son hunier étaient déjà cargués et elle ne portait plus que son grand foc que Carcante fit amener.

Au moment où l’ancre était envoyée par le fond, Moriz et Felipe sautèrent sur le pont de la Maule.

Aussitôt, sur un signe de Kongre, le premier était frappé d’un coup de hache à la tête et tombait. Simultanément deux coups de revolver abattaient Felipe près de son camarade. En un instant, tous deux étaient morts.

À travers une des fenêtres de la chambre de quart, Vasquez avait entendu les coups de feu, et vu le meurtre de ses camarades.

Le même sort lui était réservé, si l’on s’emparait de sa personne. Aucune grâce n’était à espérer de ces assassins. Pauvre Felipe, pauvre Moriz, il n’avait rien pu faire pour les sauver, et il restait là-haut, épouvanté de cet horrible crime accompli en quelques secondes !

Après le premier moment de stupeur, il reprit son sang-froid et envisagea rapidement la situation. Il fallait à tout prix échapper aux coups de ces misérables. Peut-être ignoraient-ils son existence, mais il était à supposer que, les manœuvres du mouillage terminées, plusieurs d’entre eux auraient l’idée de monter au phare et, sans doute, avec l’intention de l’éteindre et de rendre la baie impraticable, au moins jusqu’au jour ?…

Sans hésiter, Vasquez quitta la chambre de quart et se précipita par l’escalier dans le logement du rez-de-chaussée.

Il n’y avait pas un instant à perdre. On entendait déjà le bruit de la chaloupe qui débordait la goélette et allait mettre à terre quelques hommes de l’équipage.

Vasquez prit deux revolvers qu’il passa dans sa ceinture, mit quelques provisions dans un sac qu’il jeta sur son épaule, puis il sortit du logement, descendit rapidement le talus de l’enceinte, et, sans avoir été aperçu, disparut au milieu de l’obscurité.