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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

serait en état de reprendre la mer. D’ailleurs, il fallait profiter du temps. Le vent favoriserait la marche de la Maule, soit qu’elle remontât le détroit de Lemaire, soit qu’elle longeât la côte méridionale de l’Île des États pour gagner l’Atlantique.

C’est à neuf heures environ que la marée devait être étale, et, on le répète, une marée de quartier n’est jamais très forte. Mais enfin, étant donné le tirant d’eau relativement faible de la goélette, il y avait lieu de croire qu’elle se remettrait à flot.

En effet, un peu après huit heures et demie, l’arrière commença à se soulever. La Maule talonna, sans risques d’avarie, par cette mer calme et sur ce banc de sable.

Kongre, après avoir examiné la situation, en conclut que le touage pouvait être de nouveau tenté dans de bonnes conditions. Sur son ordre ses hommes se mirent à virer, et, après qu’ils eurent fait rentrer une douzaine de brasses de la chaîne, l’avant de la Maule fut enfin tourné vers le large. L’ancre avait tenu bon. Ses pattes étaient solidement encastrées dans un interstice de roches, et eussent plutôt cassé que cédé sous la traction du cabestan.

« Hardi, les enfants ! » s’écria Kongre.

Et tout le monde s’y mit, même Carcante, tandis que, penché au-dessus du couronnement, Kongre observait l’arrière de la goélette.

Il y eut quelques moments d’hésitation, la seconde moitié de la quille raclait toujours le sable.

Aussi, Kongre et les autres ne furent-ils pas sans éprouver une vive inquiétude. La mer ne monterait plus que pendant une vingtaine de minutes, et il importait que la Maule fût renflouée auparavant, ou elle serait clouée à cette place jusqu’à la marée prochaine. Or, pendant deux jours encore, la marée devait diminuer de hauteur, et elle ne reprendrait du revif que dans quarante-huit heures.

Le moment était venu de faire un dernier effort. On se figure