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LES TROIS GARDIENS.

qui ne devait pas être estimée à moins de douze ou treize nœuds. Il marchait grand largue, bâbord amures. Mais, comme il se dirigeait en droite ligne sur l’Île des États, on ne pouvait encore assurer s’il en passerait au nord ou au sud.

En gens de mer que ces questions intéressent toujours, Vasquez, Felipe et Moriz discutaient ce point. Finalement, ce fut Moriz qui eut raison, ayant soutenu que le voilier ne cherchait pas l’entrée du détroit. En effet, lorsqu’il ne fut plus qu’à un mille et demi de la côte, il lofa, de manière à venir plus au vent, afin de doubler la pointe Several.

C’était un grand bâtiment, jaugeant au moins dix-huit cents tonnes, gréé en trois-mâts barque du genre de ces clippers construits en Amérique, et dont la vitesse de marche est vraiment merveilleuse.

« Que ma longue-vue se change en parapluie, s’écria Vasquez, si celui-là n’est pas sorti d’un chantier de la Nouvelle-Angleterre !

— Peut-être va-t-il nous envoyer son numéro ? dit Moriz.

— Il ne ferait que son devoir », répondit simplement le gardien-chef.

C’est bien ce qui arriva au moment où le clipper tournait la pointe Several. Une série de pavillons monta à la corne de brigantine, signaux que Vasquez traduisit immédiatement après avoir consulté le livre déposé dans la chambre de quart.

C’était le Montank du port de Boston, Nouvelle-Angleterre, États-Unis d’Amérique. Les gardiens lui répondirent en hissant le pavillon argentin à la tige du paratonnerre, et ils ne cessèrent d’observer le navire jusqu’au moment où l’extrémité de sa mâture disparut derrière les hauteurs du cap Webster, sur la côte sud de l’île.

« Et maintenant, dit Vasquez, bon voyage au Montank, et fasse le ciel qu’il n’attrape pas quelque mauvais coup de temps au large du cap Horn ! »