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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

— Eh ! fit Felipe, s’il nous venait quelques ruminants de l’intérieur de l’île… une couple de guanaques ou autres.

— Je ne dis pas qu’un filet ou un cuissot de guanaque soit à dédaigner, répliqua Vasquez. Un bon morceau de venaison, et l’estomac n’a que des remerciements à faire lorsqu’on lui en a servi !… Aussi, si le gibier se présente, on tâchera de l’abattre. Mais, garçons, attention à ne pas s’éloigner de l’enceinte pour aller chasser la grosse ou la petite bête. L’essentiel est de se conformer aux instructions et de ne point s’écarter du phare, si ce n’est pour observer ce qui se passe dans la baie d’Elgor, et au large entre le cap San Juan et la pointe Diegos.

— Cependant, reprit Moriz, qui aimait la chasse, s’il venait une belle pièce à une portée de fusil…

— À une portée de fusil et même à deux, et même à trois, je ne dis pas, répondit Vasquez. Mais, vous le savez, le guanaque est trop sauvage de sa nature pour fréquenter la bonne société… la nôtre s’entend, et je serais bien surpris si nous voyions seulement une paire de cornes au-dessus des roches, du côté du bois de hêtres ou à proximité de l’enceinte ! »

En effet, depuis le commencement des travaux, aucun animal n’avait été signalé aux approches de la baie d’Elgor. Le second du Santa-Fé, déterminé Nemrod, avait plusieurs fois essayé de chasser le guanaque. Sa tentative avait été vaine, bien qu’il se fût avancé de cinq à six milles dans l’intérieur. Si le gros gibier ne faisait point défaut, du moins ne se laissait-il voir que de trop loin pour être tiré. Peut-être, s’il eût franchi les hauteurs et dépassé le port Parry, s’il eût poussé jusqu’à l’autre extrémité de l’île, le second aurait-il été plus heureux. Mais là où se dressaient de grands pics, dans la partie occidentale, le cheminement devait être sans doute fort difficile, et ni lui, ni personne de l’équipage du Santa-Fé, n’alla jamais reconnaître les environs du cap Saint-Barthélemy.

Pendant la nuit du 16 au 17 décembre, Moriz étant de garde