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III

LES TROIS GARDIENS.

C’est à cette époque de l’année, de novembre à mars, que la navigation est la plus active dans les parages de la Magellanie. La mer y est toujours dure. Mais, si rien n’arrête et ne calme les immenses houles qui viennent des deux océans, du moins l’état de l’atmosphère est-il plus égal, et les tourmentes qui le troublent jusque dans les hautes zones ne sont que passagères. Les navires à vapeur et les voiliers s’aventurent plus volontiers, pendant cette période de temps maniable, à contourner le Nouveau Continent en doublant le cap Horn.

Cependant, ce n’est pas le passage des bâtiments, soit par le détroit de Lemaire, soit par le sud de l’Île des États, qui pourrait rompre la monotonie des longues journées de cette saison. Ils n’ont jamais été nombreux, et ils sont devenus plus rares encore, depuis que le développement de la navigation à vapeur et le perfectionnement des cartes marines ont rendu moins dangereux le détroit de Magellan, route à la fois plus courte et plus facile.

Toutefois cette monotonie, inhérente à l’existence dans les phares, n’est pas aisément perceptible aux gardiens préposés d’ordinaire à leur service. Ce sont, pour la plupart, d’anciens matelots ou d’anciens pêcheurs. Ils ne sont pas gens à compter les jours et les heures ; ils savent sans cesse s’occuper et se distraire. Le service, d’ailleurs, ne se borne pas à assurer l’éclairage entre le coucher et le lever du soleil. Il avait été recommandé à Vasquez et à ses camarades de surveiller avec soin les