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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

— Sans doute, répondit Riegal, mais autre chose est d’être gardien de phare sur les côtes fréquentées en communication facile avec la terre, et autre chose de vivre sur une île déserte, que les navires ne font que reconnaître et encore du plus loin possible.

— J’en conviens, Riegal. Aussi la relève se fera-t-elle dans trois mois. Vasquez, Felipe, Moriz vont débuter dans la période la moins rigoureuse.

— En effet, mon commandant, et ils n’auront point à subir ces terribles hivers du cap Horn…

— Terribles, approuva le capitaine. Depuis une reconnaissance que nous avons faite il y a quelques années dans le détroit à la Terre de Feu et à la Terre de Désolation, du cap des Vierges au cap Pilar, je n’ai plus rien à apprendre en fait de tempêtes ! Mais, enfin, nos gardiens ont une habitation solide que les tourmentes ne démoliront pas. Ils ne manqueront ni de vivres ni de charbon, dût leur faction se prolonger deux mois de plus. Bien portants nous les laissons, bien portants nous les retrouverons, car, si l’air est vif, du moins il est pur, à l’entrée de l’Atlantique et du Pacifique !… Et puis, Riegal, il y a ceci : c’est que, lorsque l’autorité maritime a demandé des gardiens pour le Phare du bout du Monde, elle n’a eu que l’embarras du choix ! »

Les deux officiers venaient d’arriver devant l’enceinte où les attendaient Vasquez et ses camarades. La porte leur fut ouverte, et ils firent halte après avoir répondu au salut réglementaire des trois hommes.

Le capitaine Lafayate, avant de leur adresser la parole, les examina depuis les pieds, chaussés de fortes bottes de mer, jusqu’à la tête, recouverte du capuchon de la capote cirée.

« Tout s’est bien passé cette nuit ? demanda-t-il en s’adressant au gardien-chef.

— Bien, mon commandant, répondit Vasquez.

— Vous n’avez relevé aucun navire au large ?…