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l’invasion de la mer

Le brigadier, M. François, les deux spahis venaient d’être réveillés par ces rumeurs souterraines dont l’intensité tendait à s’accroître.

En ce moment, Coupe-à-cœur donnait des signes d’une agitation toute particulière. À plusieurs reprises il descendit même jusqu’au pied du tell, et, la dernière fois qu’il en remonta, il était mouillé comme s’il sortait d’une eau profonde.

« Oui !… de l’eau, de l’eau, répétait le brigadier, et comme qui dirait de l’eau de mer !… Non, cette fois, ce n’est pas du sang !…

Cette observation visait ce qui s’était passé l’autre nuit au campement sur la pointe de l’Hinguiz, lorsque le chien reparut, son poil imbibé du sang de cette antilope étranglée par les fauves.

Et Coupe-à-cœur se secouait en éclaboussant Pistache.

Il y avait donc maintenant autour de cette butte une nappe d’eau assez profonde pour que le chien eût pu s’y plonger. Et, cependant, lorsque le capitaine Hardigan et ses compagnons l’avaient atteinte, c’était en rampant sur une marne déliquescente, non en traversant une couche liquide.

Était-ce donc un abaissement du sol qui venait de se produire, qui ramenait à la surface l’eau des terrains inférieurs, et le tell était-il transformé en îlot ?…

Avec quelle impatience et quelles appréhensions les fugitifs attendirent le jour ! Se rendormir, ils ne l’auraient pu. D’ailleurs l’intensité des perturbations souterraines augmentait encore. C’était à croire que les forces plutoniennes et neptuniennes luttaient entre elles sous les fonds du chott qui se modifiaient peu à peu. Parfois, même, il se produisait des secousses si violentes que les arbres se courbaient comme au passage d’une rafale et menaçaient de se déraciner.

À un moment, le brigadier, qui venait de dévaler au bas du tell, constata que les premières couches baignaient dans une nappe d’eau, dont la profondeur mesurait déjà de deux à trois pieds.

D’où venait cette eau ? Les perturbations du sol l’avaient