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l’invasion de la mer

l’ingénieur, de trois à quatre mille fois l’étendue du Champ de Mars à Paris.

« Eh, fit observer le lieutenant Villette, ce qui est énorme pour un Champ de Mars, paraît bien médiocre pour une mer…

— Sans doute, lieutenant, répondit M. de Schaller, mais, si vous y ajoutez la superficie du Melrir, soit six mille kilomètres carrés, cela donne sept cent vingt mille hectares à la mer Saharienne. Et, d’ailleurs, il est très possible, avec le temps, et sous l’action d’un travail neptunien, qu’elle finisse par embrasser les sebkha Djerid et Fedjedj…

— Je vois, mon cher ami, reprit le capitaine Hardigan, que vous comptez toujours sur cette éventualité… L’avenir la réserve-t-elle ?…

— Qui peut lire dans l’avenir ? répondit M. de Schaller. Notre planète, ce n’est pas douteux, a vu des choses plus extraordinaires, et je ne vous cache pas que cette idée, sans m’obséder, m’absorbe quelquefois. Vous avez sûrement entendu parler d’un continent disparu qui s’appelle Atlantide, eh bien ! ce n’est pas une mer saharienne qui passe aujourd’hui dessus, c’est l’Océan Atlantique lui-même, et sous des latitudes parfaitement déterminées ; et les exemples de ces sortes de cataclysmes ne manquent pas, dans des proportions moindres, il est vrai ; voyez ce qui s’est passé dans l’Insulinde au XIXe siècle, lors de la terrible éruption du Krakatoa ; aussi, pourquoi ce qui s’est produit hier ne saurait-il se reproduire demain ?

— L’avenir, c’est la grande boîte à surprises de l’humanité, répondit en riant le lieutenant Villette.

— Juste, mon cher lieutenant, affirma l’ingénieur, et quand elle sera vide…

— Eh bien, le monde finira », conclut le capitaine Hardigan.

Puis, posant son doigt sur le plan, là où aboutissait le premier canal, long de deux cent vingt-sept kilomètres :