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où godfrey fait comme tout autre naufragé

Ce serait à examiner dès le lendemain.

Vers le sud, l’aspect de l’île était un peu différent. Forêts et prairies faisaient plus vite place au tapis jaune des grèves, et, par endroits, le littoral se redressait en roches pittoresques.

Mais, quelle fut la surprise de Godfrey, lorsqu’il crut apercevoir une légère fumée, qui s’élevait dans l’air, au delà de cette barrière rocheuse.

« Y a-t-il donc là quelques-uns de nos compagnons ! s’écria-t-il. Mais non ! ce n’est pas possible ! Pourquoi se seraient-ils éloignés de la baie depuis hier, et jusqu’à plusieurs milles du récif ? Serait-ce donc un village de pêcheurs ou le campement d’une tribu indigène ? »

Godfrey observa avec la plus extrême attention. Était ce bien une fumée, cette vapeur déliée que la brise rabattait doucement vers l’ouest ? On pouvait s’y tromper. En tout cas, elle ne tarda pas à s’évanouir : quelques minutes après, on n’en pouvait plus rien voir.

C’était un espoir déçu.

Godfrey regarda une dernière fois dans cette direction ; puis, n’apercevant plus rien, il se laissa glisser le long du talus, redescendit les pentes de la colline et s’enfonça de nouveau sous les arbres.

Une heure plus tard, il avait traversé toute la forêt et se retrouvait à sa lisière.

Là attendait Tartelett, au milieu de son troupeau, à deux et quatre pattes. Et, à quelle occupation se livrait l’obstiné professeur ? À la même, toujours. Un morceau de bois dans la main droite, un autre dans la main gauche, il s’exténuait encore à vouloir les enflammer. Il frottait, il frottait avec une constance digne d’un meilleur sort.

« Eh bien, demanda-t-il du plus loin qu’il aperçut Godfrey, et le bureau télégraphique ?

— Il n’était pas ouvert ! répondit Godfrey, qui n’osait encore rien dire de la situation.

— Et la poste ?

— Elle était fermée ! Mais déjeunons !… Je meurs de faim !… Nous causerons ensuite. »

Et ce matin-là Godfrey et son compagnon durent encore se contenter de ce trop maigre repas d’œufs crus et de coquillages !

« Régime très sain ! » répétait Godfrey à Tartelett, qui n’était guère de cet avis et ne mangeait que du bout des lèvres.