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l’école des robinsons

oiseaux de mer, mouettes ou goélands, s’ébattaient à la lisière des rochers, seuls êtres vivants de cette solitude.

Godfrey marcha ainsi pendant un quart d’heure. Enfin, il allait s’élancer sur le talus de la plus élevée de ces dunes, semées de joncs et de broussailles, lorsqu’il s’arrêta brusquement.

Un objet informe, extraordinairement gonflé, quelque chose comme le cadavre d’un monstre marin, jeté là sans doute par la dernière tempête, gisait à cinquante pas de lui à la lisière du récif.

Godfrey se hâta de courir dans cette direction.

À mesure qu’il se rapprochait, son cœur se mit à battre plus rapidement, En vérité, dans cet animal échoué il lui semblait reconnaître une forme humaine !

Godfrey n’en était pas à dix pas qu’il s’arrêtait, comme s’il eût été cloué au sol, et s’écriait :

« Tartelett ! »

C’était le professeur de danse et de maintien.

Godfrey se précipita vers son compagnon, à qui, peut-être, il restait encore quelque souffle !

Un instant après, il reconnaissait que c’était la ceinture de sauvetage qui produisait ce gonflement et donnait l’aspect d’un monstre marin à l’infortuné professeur. Mais, bien que Tartelett fût sans mouvement, peut-être n’était-il pas mort ! Peut-être cet appareil natatoire l’avait-il soutenu au-dessus des eaux, pendant que les ondulations du ressac le portaient au rivage !

Godfrey se mit à l’œuvre. Il s’agenouilla près de Tartelett, il le débarrassa de sa ceinture, il le frictionna d’une main vigoureuse, il surprit enfin un léger souffle sur ses lèvres entr’ouvertes !… Il lui mit la main sur le cœur !… Le cœur battait encore.

Godfrey l’appela.

Tartelett remua la tête, puis il fit entendre un son rauque, suivi d’incohérentes paroles.

Godfrey le secoua violemment.

Tartelett ouvrit alors les yeux, passa sa main gauche sur son front, releva la main droite, et s’assura que sa précieuse pochette et son archet qu’il tenait étroitement, ne l’avaient point abandonné.

« Tartelett ! mon cher Tartelett ! » s’écria Godfrey, en lui soulevant légèrement la tête.