Page:Verne - L’École des Robinsons - Le Rayon vert.djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.
62
l’école des robinsons

n’indiquait-il pas, tout au moins, la présence d’une grève, et, si la grève existait, pouvait-on douter qu’elle ne fût rattachée au rivage d’une terre plus importante ?

Enfin, un long profil de dunes basses, contrebutées de grosses roches granitiques, se dessinant plus nettement, sembla fermer l’horizon dans l’est. Le soleil avait bu toutes les vapeurs matinales, et son disque débordait alors en plein feu.

« Terre ! terre ! » s’écria Godfrey.

Et il tendit les mains vers ce plan solide, en s’agenouillant sur l’écueil dans un mouvement de reconnaissance envers Dieu.

C’était la terre, en effet. En cet endroit, les brisants ne formaient qu’une pointe avancée, quelque chose comme le cap méridional d’une baie, qui s’arrondissait sur un périmètre de deux milles au plus. Le fond de cette échancrure se montrait sous l’apparence d’une grève plate, que bordait une succession de petites dunes, capricieusement ondées de lignes d’herbes, mais peu élevées.

De la place qu’occupait Godfrey, son regard put saisir l’ensemble de cette côte.

Bornée au nord et au sud par deux promontoires inégaux, elle ne présentait pas un développement de plus de cinq à six milles. Il était possible, cependant, qu’elle appartînt à quelque grande terre. Quoi qu’il en fût, c’était au moins le salut momentané. Godfrey, à cet égard, ne pouvait concevoir aucun doute, il n’avait pas été jeté sur quelque brisant solitaire, il devait croire que ce bout de sol inconnu ne lui refuserait pas de pourvoir à ses premiers besoins.

« À terre ! terre ! » se dit-il.

Mais, avant de quitter l’écueil, il se retourna une dernière fois. Ses yeux interrogèrent encore la mer jusqu’à l’horizon du large. Quelque épave apparaîtrait-elle à la surface des flots, quelque débris du Dream, quelque survivant peut-être ?

Rien.

La chaloupe elle-même n’était plus là, et devait avoir été entraînée dans le commun abîme.

L’idée vint alors à Godfrey que, sur ces brisants, quelqu’un de ses compagnons avait pu trouver refuge, qui, comme lui, attendait le jour pour essayer de gagner la côte ?