Page:Verne - L’École des Robinsons - Le Rayon vert.djvu/58

Cette page a été validée par deux contributeurs.
46
l’école des robinsons


VII

dans lequel on verra que william w. kolderup n’a peut être pas eu tort de faire assurer son navire.


Pendant les jours qui suivirent, 13, 14 et 15 juin, le baromètre descendit lentement, mais d’une façon continue, sans reprise, ce qui indiquait une tendance à se maintenir au-dessous de variable, entre pluie ou vent et tempête. La brise fraîchit sensiblement en passant dans le sud-ouest. C’était vent debout pour le Dream ; il eut à lutter contre des lames assez fortes, qui le prenaient par l’avant. Les voiles furent donc serrées dans leurs étuis, et il fallut marcher avec l’hélice, mais sous médiocre pression, afin d’éviter les mauvais coups.

Godfrey supporta très bien ces épreuves du tangage et du roulis, sans même perdre un seul instant de sa belle humeur. Très évidemment, ce brave garçon aimait la mer.

Mais Tartelett, lui, n’aimait pas la mer, et elle le lui rendait bien. Il fallait voir l’infortuné professeur de maintien ne se maintenant plus, le professeur de danse dansant contrairement à toutes les règles de l’art. Rester dans sa cabine, par ces secousses qui ébranlaient le steamer jusqu’à ses varangues, il ne le pouvait pas.

« De l’air ! de l’air ! » soupirait-il.

Aussi ne quittait-il plus le pont. Un coup de roulis, et il allait d’un bord sur l’autre. Un coup de tangage, et il était projeté en avant, quitte à être reprojeté presque aussitôt en arrière. Il s’appuyait aux lisses, il se raccrochait aux cordages, il prenait des attitudes absolument condamnées par les principes de la chorégraphie moderne ! Ah ! que ne pouvait-il s’élever dans l’air par un mouvement de ballon pour échapper aux dénivellations de ce plancher mouvant ! Un danseur de ses ancêtres disait que, s’il consentait à reprendre pied sur la scène, c’était uniquement pour ne pas humilier ses