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dix heures en chasse.


En comptant, à part moi, je m’étais bien aperçu que de tous les perdreaux de Pontcloué et de Matifat il n’en était pas entré un seul dans leur carnier. Mais je n’osai rien dire, parce que je suis naturellement timide avec les gens qui en savent plus que moi. Et cependant, puisqu’il ne s’agissait que de manquer le gibier, j’en aurais, pardieu ! bien fait autant.

Quant aux autres chasseurs, j’ai oublié leurs noms ; mais, si je ne me trompe, l’un d’eux était connu sous le sobriquet de Baccara, parce qu’en chasse il « tirait toujours et n’abattait jamais. »

En vérité, qui sait si je n’allais pas mériter ce surnom ? Allons donc ! L’ambition me gagnait. J’avais hâte d’être au lendemain.


IV


Il arriva, ce lendemain. Mais quelle nuit dans cette auberge d’Hérissart ! Une seule chambre pour huit ! Des grabats, où l’on aurait pu se livrer à une chasse plus fructueuse que sur les terrains réservés de la commune ! D’odieux parasites,

fraternellement partagés avec les chiens, couchés près des lits, et qui se grattaient à faire trembler le plancher !

Et moi, qui avais naïvement demandé à notre hôtesse, vieille Picarde à tignasse rebelle, s’il n’y avait pas de puces dans son dortoir !

« Oh non ! m’avait-elle répondu… Les punaises les mangeraient ! »

Là-dessus, je m’étais décidé à dormir, tout habillé, sur une chaise bancale, qui geignait à chaque mouvement. Aussi me sentais-je moulu quand se fit le jour.

Naturellement, je fus le premier levé. Brétignot, Matifat, Pontcloué, Duvauchelle et leurs compagnons ronflaient encore. J’avais hâte d’être en plaine, comme ces chasseurs inexpérimentés, qui veulent partir dès l’aube, même