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Cependant dame Bess en eut peut-être le soupçon, lorsque miss Campbell lui demanda si elle avait revu à Oban ce jeune homme, auquel le Glengarry avait si heureusement prêté secours et assistance.

« Non, miss Campbell, répondit dame Bess, il a dû repartir aussitôt, mais Partridge croit l’avoir aperçu…

— Quand cela ?

— Hier, sur la route de Dalmaly. Il revenait, le sac au dos, comme un artiste en voyage ! Ah ! c’est un imprudent, ce jeune homme ! Se laisser ainsi prendre au gouffre de Corryvrekan, cela est de mauvais augure pour l’avenir ! Il ne se trouvera pas toujours quelque bâtiment pour lui venir en aide, et il lui arrivera malheur !

— Le crois-tu, dame Bess ? S’il a été imprudent, il s’est montré courageux, du moins, et dans ce péril, son sang-froid ne paraît pas l’avoir abandonné un instant !

— C’est possible, mais bien certainement, miss Campbell, reprit dame Bess, ce jeune homme n’a pas su que c’est à vous qu’il doit peut-être d’avoir été sauvé, car, le lendemain de son arrivée à Oban, il serait au moins venu vous remercier…

— Me remercier ? répondit miss Campbell. Et pourquoi ? Je n’ai fait pour lui que ce que j’eusse fait pour tout autre, et crois-le bien, ce que tout autre aurait fait à ma place !

— Est-ce que vous le reconnaîtriez ? demanda dame Bess, en regardant la jeune fille.

— Oui, répondit franchement miss Campbell, et j’avoue que le caractère de sa personne, le courage tranquille qu’il montrait en apparaissant sur le pont, comme s’il ne venait pas d’échapper à la mort, les affectueuses paroles qu’il a dites à son vieux compagnon en le pressant sur sa poitrine, tout cela m’a vivement frappée !

— Ma foi, répliqua la digne femme, à qui il ressemble, moi, je ne pourrais guère le dire ; mais, en tout cas, il ne ressemble pas à ce monsieur Aristobulus Ursiclos ! »

Miss Campbell sourit, sans rien répondre, se leva, resta un instant immobile en jetant un dernier regard jusqu’aux lointaines hauteurs de l’île de Mull ; puis, suivie de dame Bess, elle redescendit l’aride sentier, qui conduit à la route d’Oban.

Ce soir-là, le soleil se couchait dans une sorte de poussière lumineuse,