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un nuage à l’horizon.

miss Campbell : c’était de lui cacher l’horizon de mer. Cependant, comme il n’y avait que quatre milles et demi à faire dans ces conditions, elle consentit à en admirer l’harmonieux profil, dont le découpage se dessinait sur un fond de lumière, avec les ruines du château danois, qui en couronne la pointe méridionale.

« Ce fut autrefois la résidence des Mac-Douglas de Lorn, fit observer le frère Sam.

— Et pour notre famille, ajouta le frère Sib, ce château a un intérêt historique, puisqu’il fut détruit par les Campbell, qui l’incendièrent, après en avoir massacré sans pitié tous les habitants ! »

Ce haut fait parut obtenir plus particulièrement l’approbation de Partridge, qui battit doucement des mains en l’honneur du clan.

Lorsque l’île Kerrera fut dépassée, la voiture s’engagea sur une route étroite, légèrement accidentée, conduisant au village de Clachan. Là, elle prit cet isthme factice, qui, sous la forme d’un pont, enjambe la petite passe et unit l’île Seil au continent. Une demi-heure plus tard, après avoir laissé la voiture dans le fond d’un ravin, les excursionnistes gravissaient la pente assez raide d’une colline et venaient s’asseoir sur l’extrême bordure des roches, à la lisière du littoral.

Cette fois, rien ne pouvait gêner la vue d’observateurs, tournés vers l’ouest : ni l’îlot d’Easdale, ni celui d’Inish, échoués auprès de Seil. Entre la pointe Ardanalish de l’île Mull, l’une des plus grandes des Hébrides, au nord-est, et l’île Colonsay, au sud-ouest, se découpait un large morceau de mer, sur lequel le disque solaire allait bientôt noyer ses feux.

Miss Campbell, tout à sa pensée, se tenait un peu en avant. Quelques oiseaux de proie, aigles ou faucons, animant seuls cette solitude, planaient au-dessus des « dens », sortes de vallons creusés comme des entonnoirs à parois rocheuses.

Astronomiquement, le soleil, à cette époque de l’année et pour cette latitude, devait se coucher à sept heures cinquante-quatre minutes, précisément dans la direction de la pointe Ardanalish.

Mais, quelques semaines plus tard, il eût été impossible de le voir disparaître derrière la ligne de mer, car la masse de l’île Colonsay l’eût dérobé aux regards.

Ce soir là, le temps et l’endroit étaient donc bien choisis pour l’observation du phénomène.