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un nuage à l’horizon.

Mais l’avait-elle au moins cherché au milieu de cette foule d’indifférents, qui hantaient les plages d’Oban ? Peut-être. L’avait-elle rencontré ? Non. Lui, sans doute, n’aurait pu la reconnaître. Pourquoi l’eût-il remarquée à bord du Glengarry ? Pourquoi serait-il venu à elle ? Comment aurait-il deviné qu’il lui devait en partie son salut ? Et cependant, c’était elle, avant tous autres, qui avait aperçu l’embarcation en détresse ; elle qui, la première, avait supplié le capitaine d’aller à son secours ! Et, en réalité, cela lui avait peut-être coûté, ce soir-là, le Rayon-Vert !

On pouvait le craindre, en effet.

Pendant les trois jours qui suivirent l’arrivée de la famille Melvill à Oban, le ciel aurait fait le désespoir d’un astronome des observatoires d’Édimbourg ou de Greenwich. Il était comme ouaté d’une sorte de vapeur, plus décevante que ne l’eussent été des nuages. Lunettes ou télescopes des plus puissants modèles, le réflecteur de Cambridge tout comme celui de Parsontown, ne seraient pas parvenus à la percer. Seul, le soleil eût possédé assez de puissance pour la traverser de ses rayons ; mais, à son coucher, la ligne de mer s’estompait de légères brumes, qui empourpraient l’occident des couleurs les plus splendides. Il n’eût donc pas été possible à la flèche verte d’arriver aux yeux d’un observateur.

Miss Campbell, dans son rêve, emportée par une imagination un peu fantasque, confondait alors le naufragé du gouffre de Corryvrekan et le Rayon-Vert dans la même pensée. Ce qui est certain, c’est que l’un n’apparaissait pas plus que l’autre. Si les vapeurs obscurcissaient celui-ci, l’incognito cachait celui-là.

Les frères Melvill, lorsqu’ils s’avisaient d’exhorter leur nièce à prendre patience, étaient assez mal venus. Miss Campbell ne se gênait pas pour les rendre responsables de ces troubles atmosphériques. Eux, alors, s’en prenaient à l’excellent baromètre anéroïde qu’ils avaient eu le soin d’apporter d’Helensburgh, et dont l’aiguille persistait à ne pas remonter. En vérité, ils auraient donné leur tabatière pour obtenir, au coucher de l’astre radieux, un ciel dégagé de nuages !

Quant au savant Ursiclos, un jour, à propos de ces vapeurs dont se chargeait l’horizon, il eut la parfaite maladresse de trouver leur formation toute naturelle. De là à ouvrir un petit cours de physique, il n’y avait qu’un pas, et il le fit en présence de miss Campbell. Il parla des nuages en général, de leur mouvement descendant qui les ramène à l’horizon avec l’abaissement de la tem-