Page:Verne - L’École des Robinsons - Le Rayon vert.djvu/210

Cette page a été validée par deux contributeurs.
198
l’école des robinsons

empailler. De cette façon, l’animal, bien préparé, les mâchoires entrouvertes, les pattes étendues, suspendu au plafond, ferait le plus bel ornement de sa chambre.

Le crocodile fut donc envoyé chez un célèbre empailleur, qui le rapporta à l’hôtel quelques jours après.

Tous, alors, de venir admirer le « monstre », auquel Tartelett avait failli servir de pâture !

« Vous savez, monsieur Kolderup, d’où venait cet animal ? dit le célèbre empailleur en présentant sa note.

— Non ! répondit l’oncle Will.

— Cependant il avait une étiquette collée sous sa carapace.

— Une étiquette ! s’écria Godfrey.

— La voici, » répondit le célèbre empailleur.

Et il montra un morceau de cuir, sur lequel ces mots étaient écrits en encre indélébile :

Envoi de Hagenbeck, de Hambourg, à J.-R. Taskinar, de Stockton.
U. S. A.

Lorsque William W. Kolderup eut lu ces mots, un formidable éclat de rire lui échappa.

Il avait tout compris.

C’était son adversaire J.-R. Taskinar, son compétiteur évincé, qui, pour se venger, après avoir acheté toute une cargaison de fauves, reptiles et autres animaux malfaisants, au fournisseur bien connu des ménageries des Deux-Mondes, l’avait nuitamment débarquée en plusieurs voyages sur l’île Spencer. Cela lui avait coûté cher, sans doute, mais il avait réussi à infester la propriété de son rival, comme le firent les Anglais pour la Martinique, si l’on en doit croire la légende, avant de la rendre à la France !

Il n’y avait plus rien d’inexpliqué, désormais, dans les faits mémorables de l’île Phina.

« Bien joué ! s’écria William W. Kolderup. Je n’aurais pas mieux fait que ce vieux coquin de Taskinar !

— Mais, avec ces terribles hôtes, dit Phina, maintenant, l’île Spencer…

— L’île Phina… répondit Godfrey.

— L’île Phina, reprit en souriant la jeune femme, est absolument inhabitable !