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l’école des robinsons

ombre passât. Alors le coup partait et portait, car aussitôt un hurlement de douleur prouvait que l’animal avait été atteint.

Au bout d’un quart d’heure, il y eut comme un répit. Les fauves se lassaient-ils donc d’une attaque qui avait coûté la vie à plusieurs d’entre eux, ou bien attendaient-ils le jour pour recommencer leur agression dans des conditions plus favorables ?

Quoi qu’il en fût, ni Godfrey ni Carèfinotu n’avaient voulu quitter leur poste. Le noir ne s’était pas servi de son fusil avec moins d’habileté que Godfrey. Si ce n’avait été là qu’un instinct d’imitation, il faut convenir qu’il était surprenant.

Vers deux heures du matin, il y eut une nouvelle alerte, — celle-là plus chaude que les autres. Le danger était imminent, la position à l’intérieur de Will-Tree allait devenir intenable.

En effet, des rugissements nouveaux éclatèrent au pied du séquoia. Ni Godfrey, ni Carèfinotu, à cause de la disposition des fenêtres, percées latéralement, ne pouvaient entrevoir les assaillants, ni, par conséquent, tirer avec chance de les frapper.

Maintenant, c’était la porte que ces bêtes attaquaient, et il n’était que trop certain qu’elle sauterait sous leur poussée ou céderait à leurs griffes. Godfrey et le noir étaient redescendus sur le sol. La porte s’ébranlait déjà sous les coups du dehors… On sentait une haleine chaude passer à travers les fentes de l’écorce.

Godfrey et Carèfinotu essayèrent de consolider cette porte en l’étayant avec les pieux qui servaient à maintenir leurs couchettes, mais cela ne pouvait suffire.

Il était évident qu’elle serait enfoncée avant peu, car les fauves s’y acharnaient avec rage, — surtout depuis que les coups de fusil ne pouvaient plus les atteindre.

Godfrey était donc réduit à l’impuissance. Si ses compagnons et lui étaient encore à l’intérieur de Will-Tree au moment où les assaillants s’y précipiteraient, leurs armes seraient insuffisantes à les défendre.

Godfrey avait croisé les bras. Il voyait les ais de la porte se disjoindre peu à peu !… Il ne pouvait rien. Dans un moment de défaillance, il passa la main sur son front, comme désespéré. Mais, reprenant presque aussitôt possession de lui-même :

« En haut, dit-il, en haut !… tous ! »