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l’école des robinsons

De nouveaux rugissements indiquèrent que trois ou quatre fauves venaient de franchir la palissade.

Alors, à ces rugissements horribles se mêla tout un concert de bêlements et de grognements d’épouvante. Le troupeau domestique, pris là comme dans un piège, était livré, et à la griffe des assaillants.

Godfrey et Carèfinotu, qui s’étaient hissés jusqu’aux deux petites fenêtres percées dans l’écorce du séquoia, essayaient de voir ce qui se passait au milieu de l’ombre.

Évidemment, les fauves, — tigres ou lions, panthères ou hyènes, on ne pouvait le savoir encore, — s’étaient jetés sur le troupeau et commençaient leur carnage.

À ce moment, Tartelett, dans un accès d’effroi aveugle, de terreur irraisonnée, saisissant l’un des fusils, voulut tirer par l’embrasure d’une des fenêtres, à tout hasard !

Godfrey l’arrêta.

« Non ! dit-il. Au milieu de cette obscurité il y a trop de chance pour que ce soient des coups perdus. Il ne faut pas gaspiller inutilement nos munitions ! Attendons le jour ! »

Il avait raison. Les balles auraient aussi bien atteint les animaux domestiques que les animaux sauvages, — plus sûrement même, puisque ceux-là étaient en plus grand nombre. Les sauver, c’était maintenant impossible. Eux sacrifiés, peut-être les fauves, repus, auraient-ils quitté l’enceinte avant le lever du soleil. On verrait alors comment il conviendrait d’agir pour se garder contre une agression nouvelle.

Mieux valait aussi, pendant cette nuit si noire, et tant qu’on le pouvait, ne pas révéler à ces animaux la présence d’êtres humains qu’ils pourraient bien préférer à des bêtes. Peut-être éviterait-on ainsi une attaque directe contre Will-Tree.

Comme Tartelett était incapable de comprendre ni un raisonnement de ce genre, ni aucun autre, Godfrey se contenta de lui retirer son arme. Le professeur vint alors se jeter sur sa couchette, en maudissant les voyages, les voyageurs, les maniaques, qui ne peuvent pas demeurer tranquillement au foyer domestique !

Ses deux compagnons s’étaient remis en observation aux fenêtres. De là, ils assistaient, sans pouvoir intervenir, à cet horrible massacre qui s’opérait dans l’ombre. Les cris des moutons et des chèvres diminuaient peu à peu, soit que