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incident qui ne saurait surprendre le lecteur.

À quoi bon, répondit Godfrey, puisque je croyais que ce bâtiment avait définitivement disparu ! Mais ce canot peut lui appartenir ! Nous allons bien voir !… »

Godfrey, retournant rapidement à Will-Tree, y prit sa lunette et revint se poster à la lisière des arbres.

De là, il put observer avec une extrême attention cette embarcation, d’où l’on devait nécessairement apercevoir le pavillon de Flag-Point, déployé sous une légère brise.

La lunette tomba des yeux de Godfrey.

« Des sauvages !… Oui !… Ce sont bien des sauvages ! » s’écria-t-il.

Tartelett sentit ses jambes flageoler, et un tremblement d’épouvante passa par tout son être.

C’était, en effet, une embarcation de sauvages que Godfrey venait d’apercevoir, et qui s’avançait vers l’île. Construite comme une pirogue des îles polynésiennes, elle portait une assez grande voile en bambous tressés ; un balancier, débordant sur bâbord, la maintenait en équilibre contre la bande qu’elle donnait sous le vent.

Godfrey distingua parfaitement la forme de l’embarcation : c’était un prao, — ce qui semblait indiquer que l’île Phina ne pouvait être très éloignée des parages de la Malaisie. Mais ce n’étaient point des Malais qui montaient cette pirogue : c’étaient des noirs, à demi nus, dont on pouvait compter une douzaine.

Le danger était donc grand d’être vus. Godfrey dut regretter, alors, d’avoir hissé ce pavillon que n’avait point aperçu le navire et que voyaient certainement les naturels du prao. Quant à l’abattre maintenant, il était trop tard.

Circonstance très regrettable, en effet. S’il était évident que ces sauvages avaient eu pour but, en quittant quelque île voisine, d’atteindre celle-ci, peut-être la croyaient-ils inhabitée, comme elle l’était réellement, avant le naufrage du Dream. Mais le pavillon était là, qui indiquait la présence d’êtres humains sur cette côte ! Comment, alors, leur échapper s’ils débarquaient ?

Godfrey ne savait quel parti prendre. En tout cas, observer si les naturels mettraient ou non le pied dans l’île, c’était là le plus pressé. Il aviserait ensuite.

La lunette aux yeux, il suivit donc le prao ; il le vit contourner la pointe du promontoire, puis la doubler, puis redescendre le long du littoral, et, finale-