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godfrey trouve une épave

beaucoup. On les ménageait donc le mieux possible. Par cette température et sous cette latitude, il n’y avait aucun inconvénient à être demi-nu. Mais enfin, culotte, vareuse, chemise de laine, finiraient par s’user. Comment pourrait-on les remplacer ? En viendrait-on à se vêtir des peaux de ces moutons, de ces chèvres, qui, après avoir nourri le corps, serviraient encore à l’habiller ? Il le faudrait sans doute. En attendant, Godfrey fit laver fréquemment le peu de vêtements dont ils disposaient. Ce fut encore à Tartelett, transformé en lessiveuse, qu’incomba cette tâche. Il s’en acquittait, d’ailleurs, à la satisfaction générale.

Godfrey, lui, s’occupait plus spécialement des travaux de ravitaillement et d’aménagement. Il était, en outre, le pourvoyeur de l’office. La récolte des racines comestibles et des fruits de manzanillas lui prenait chaque jour quelques heures ; de même, la pêche au moyen de claies de joncs tressés, qu’il installait soit dans les eaux vives du rio, soit dans les cavités des roches du littoral que le reflux laissait à sec. Ces moyens étaient fort primitifs, sans doute, mais, de temps à autre, un beau crustacé ou quelque poisson succulent figurait sur la table de Will-Tree, sans parler des mollusques, dont la récolte se faisait à la main et sans peine.

Mais, nous l’avouerons, — et on voudra bien admettre que de tous les ustensiles de cuisine, c’est le plus essentiel, — la marmite, la simple marmite de fonte ou de fer battu manquait. Son absence ne se faisait que trop sentir. Godfrey ne savait qu’imaginer pour remplacer le vulgaire coquemar dont l’usage est universel. Pas de pot-au-feu, pas de viande ni de poisson bouillis, rien que du rôti et des grillades. La soupe grasse n’apparaissait jamais au début des repas. Parfois, Tartelett s’en plaignait amèrement ; mais le moyen de satisfaire ce pauvre homme !

D’autres soins, d’ailleurs, avaient occupé Godfrey. En visitant les différents arbres du groupe, il avait trouvé un second séquoia, de grande taille, dont la partie inférieure, creusée par le temps, offrait aussi une assez large anfractuosité.

Ce fut là qu’il établit un poulailler, dans lequel les volatiles eurent bientôt pris leur domicile. Le coq et les poules s’y habituèrent aisément, les œufs y éclosaient dans l’herbe sèche, les poussins commençaient à pulluler. On les renfermait chaque soir, afin de les mettre à l’abri des oiseaux de proie, qui, du haut des branches, guettaient ces faciles victimes et auraient fini par détruire toutes les couvées.