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l’école des robinsons

un bâtiment, pas une barque de pêche, pas une fumée se détachant de l’horizon et indiquant, au large, le passage de quelque steamer. Il semblait que l’île Phina fût située en dehors des itinéraires du commerce et des transports de voyageurs. Il s’agissait donc d’attendre, patiemment, de se fier au Tout-Puissant, qui n’abandonne jamais les faibles.

Entre temps, lorsque les nécessités immédiates de l’existence lui laissaient quelques loisirs, Godfrey, poussé surtout par Tartelett, revenait à cette importante et irritante question du feu.

Il tenta tout d’abord de remplacer l’amadou, qui lui faisait si malheureusement défaut, par une autre matière analogue. Or, il était possible que quelques variétés de champignons qui poussaient dans le creux des vieux arbres, après avoir été soumis à un séchage prolongé, pussent se transformer en une substance combustible.

Plusieurs de ces champignons furent donc cueillis et exposés à l’action directe du soleil jusqu’à ce qu’ils fussent réduits en poussière. Puis, du dos de son couteau, changé en briquet, Godfrey fit jaillir d’un silex quelques étincelles qui tombèrent sur cette substance… Ce fut inutile. La matière spongieuse ne prit pas feu.

Godfrey eut alors la pensée d’utiliser cette fine poussière végétale, séchée depuis tant de siècles, qu’il avait trouvée sur le sol intérieur de Will-Tree.

Il ne réussit pas davantage.

À bout de ressources, il tenta encore de déterminer, au moyen du briquet, l’ignition d’une sorte d’éponge, qui croissait sous les roches.

Il ne fut pas plus heureux. La particule d’acier, allumée au choc du silex, tombait sur la substance, mais s’éteignait aussitôt.

Godfrey et Tartelett furent véritablement désespérés. Se passer de feu était impossible. De ces fruits, de ces racines, de ces mollusques, ils commençaient à se fatiguer, et leur estomac ne tarderait pas à se montrer absolument réfractaire à ce genre de nourriture. Ils regardaient, — le professeur surtout, — ces moutons, ces agoutis, ces poules, qui allaient et venaient autour de Will-Tree. Des fringales les prenaient à cette vue. Ils dévoraient des yeux ces chairs vivantes !

Non ! cela ne pouvait durer ainsi !

Mais une circonstance inattendue, — disons providentielle, si vous le voulez bien, — allait leur venir en aide.

Dans la nuit du 3 au 4 juillet, le temps, qui tendait à se modifier depuis