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où la question du logement est résolue

de goémons, dont le prolongement se dessinait en mer par une pointe effilée de l’île vers le nord.

Ces arbres géants, ces « big-trees », — les gros arbres, — ainsi qu’on les appelle communément dans l’Ouest-Amérique, appartenaient au genre des séquoias, conifères de la famille des sapins. Si vous demandiez à des Anglais sous quel nom plus spécial ils les désignent : « des Wellingtonias », répondraient-ils. Si vous le demandiez à des Américains : « des Washingtonias » serait leur réponse.

On voit tout de suite la différence.

Mais, qu’ils rappellent le souvenir du flegmatique vainqueur de Waterloo ou la mémoire de l’illustre fondateur de la république américaine, ce sont toujours les plus énormes produits connus de la flore californienne et névadienne.

En effet, dans certaines parties de ces États ; il y a des forêts entières de ces arbres, tels que les groupes de Mariposa et de Calavera, dont quelques-uns mesurent de soixante à quatre-vingts pieds de circonférence sur une hauteur de trois cents. L’un d’eux, à l’entrée de la vallée de Yosemiti, n’a pas moins de cent pieds de tour ; de son vivant, — car il est maintenant couché à terre, — ses dernières branches auraient atteint la hauteur du Munster de Strasbourg, c’est-à-dire plus de quatre cents pieds. On cite encore la « Mère de la forêt », la « Beauté de la forêt », la « Cabane du pionnier », les « deux Sentinelles », le « Général Grant », « Mademoiselle Emma », « Mademoiselle Marie », « Brigham Young et sa femme », les « Trois Grâces », l’ « Ours », etc., qui sont de véritables phénomènes végétaux. Sur le tronc, scié à sa base, de l’un de ces arbres, on a construit un kiosque, dans lequel un quadrille de seize à vingt personnes peut manœuvrer à l’aise. Mais, en réalité, le géant de ces géants, au milieu d’une forêt qui est la propriété de l’État, à une quinzaine de milles de Murphy, c’est le « Père de la forêt », vieux séquoia âgé de quatre mille ans ; il s’élève à quatre cent cinquante-deux pieds du sol, plus haut que la croix de Saint-Pierre de Rome, plus haut que la grande pyramide de Gizeh, plus haut enfin que ce clocheton de fer qui se dresse maintenant sur une des tours de la cathédrale de Rouen et doit être tenu pour le plus haut monument du monde.

C’était un groupe d’une vingtaine de ces colosses que le caprice de la nature avait semés sur cette pointe de l’île, à l’époque peut-être où le roi Salomon construisait ce temple de Jérusalem, qui ne s’est jamais relevé de ses ruines. Les plus grands pouvaient avoir près de trois cents pieds, les plus