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QUITTES !

— Vous me paraissez oublier que M. Morgand est parti nous chercher du secours.

— Il est parti, mais il ne revient pas, objecta Jack.

— Il reviendra, affirma Alice d’un ton d’invincible certitude.

— Je ne pense pas, dit Jack avec une ironie dont il ne fut pas maître.

Alice se sentit le cœur étreint par une subite angoisse. D’un effort énergique, elle dompta cette faiblesse, et, debout maintenant, bien en face de son misérable beau-frère :

— Qu’en savez-vous ? dit-elle.

Jack fut effrayé du changement et, prudemment, battit en retraite.

— Rien, c’est évident, balbutia-t-il, rien… Ce ne sont que des pressentiments… Mais, pour moi, je suis persuadé que M. Morgand, qu’il ait ou non échoué dans sa tentative, ne reviendra pas, et que nous n’avons pas de temps à perdre pour essayer de reconquérir notre liberté avec nos seules ressources.

Alice avait repris tout son calme.

— Je ne suis pas éloignée de croire, dit-elle lentement, que vous possédiez, en effet, des renseignements particuliers sur le voyage héroïque que M. Morgand a entrepris pour le salut commun…

— Que voulez-vous dire ? interrompit Jack d’une voix tremblante.

— Il peut donc se faire, continua imperturbablement Alice, que vous ayez raison et que M. Morgand ait trouvé la mort dans sa tentative, Toutefois, vous me permettrez d’être d’un avis différent. Pour ma part, jusqu’au moment où la longueur du temps écoulé m’aura prouvé mon erreur, j’aurai dans son retour une inébranlable foi.

La chaleur avec laquelle Alice avait prononcé ces derniers mots montrait que, sur ce point, elle serait irréductible.

— Soit ! accorda Jack. Je ne vois pas, d’ailleurs, en quoi la possibilité du retour de M. Morgand est un obstacle à la combi-