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QUITTES !

noncé vingt paroles, et encore ces rares confidences avaient-elles été adressées exclusivement au fidèle Artimon, qui, la langue pendante, trottinait à côté de son maitre.

« Master ! avait d’abord simplement dit le capitaine, d’une voix pleine de tendresse que le chien avait parfaitement su discerner.

Puis, une demi-heure plus tard, le capitaine s’était montré plus explicite.

Après avoir préalablement louché d’une effrayante manière et craché avec mépris dans la direction du cheik :

— Master ! avait-il formulé du ton le plus affirmatif, nous sommes dans une péripétie, par la barbe de ma mère ! »

Et Artimon de secouer ses longues oreilles, comme contraint à une fâcheuse approbation.

Depuis, le capitaine n’avait plus ouvert la bouche. De temps en temps, l’homme regardait le chien et le chien regardait l’homme, voilà tout. Mais que ces regards valaient de discours !

À l’étape, Artimon s’assit sur son derrière, quand son maître s’étendit sur le sable. Et celui-ci partagea avec son chien sa maigre pitance et l’eau qui lui fut parcimonieusement distribuée.

Après le capitaine, venaient l’état-major, l’équipage et les serviteurs divers du Seamew défunt, se suivant dans un classement qui n’avait rien de hiérarchique. Que pensaient-ils, ceux-là ? En tous cas, ils subordonnaient leurs opinions personnelles celles du commandant qui avait la charge de penser pour tous. Tant que le chef aurait confiance, ils ne désespéreraient pas. L’ordre d’agir, s’il devait être donné, les trouverait prêts, à quelque moment qu’il arrivât.

Au dernier matelot, succédait le premier passager, auquel faisait suite la longue file de ses compagnons.

Les femmes, pour la plupart, pleuraient ou se lamentaient à mi-voix, et surtout les épouses et les filles d’Hamilton et de Blockhead, assistant, impuissantes, à l’agonie de leurs pères et de leurs maris.

Les hommes se montraient plus fermes en général, chacun