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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

fiant leur situation sociale, d’autres se faisant plus pauvres que de raison.

Quand vint le tour des passagères américaines, Roger répondit pour elles, et pensa bien faire en leur donnant le plus d’importance possible. À son estime, c’était là le meilleur moyen de sauvegarder leur existence. Mais le cheik l’interrompit dès les premiers mots.

« Ce n’est pas à toi que je parle, dit-il sans brutalité. Ces femmes sont-elles donc muettes ?

Roger resta un instant interloqué.

— Es-tu leur frère ? leur père ? leur mari ?

— Celle-ci est ma femme, crut pouvoir se permettre d’affirmer Roger en désignant Dolly.

Le Maure fit un geste de satisfaction.

— Bon ! dit-il. Et celle-là ?

— Est sa sœur, répondit Roger. Toutes deux sont de grandes dames dans leur pays.

— Grandes dames ? insista le Maure, pour lequel ces mots parurent dénués de signification.

— Oui, des grandes dames, des reines.

— Reines ? répéta encore le cheik.

— Enfin, leur père est un grand chef, expliqua Roger à bout d’images.

Cette dernière, d’ailleurs, parut avoir l’effet désiré.

— Oui ! Général, général, traduisit librement le Maure d’un air satisfait. Et quel est le nom de la fille du grand chef ?

— Lindsay, répondit Roger.

— Lindsay ! répéta le Maure, qui, pour une raison mystérieuse, paraissait se plaire à la consonance de ces syllabes, Lindsay ! Bon, ça ! ajouta-t-il, en passant au prisonnier suivant, non sans adresser un geste aimable à Roger de Sorgues et à ses deux protégées.

Le prisonnier suivant n’était autre que Thompson. Combien diminué de son importance, l’infortuné Administrateur Général !