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OÙ THOMPSON N’EN A PAS POUR SON ARGENT.

qu’ils scandaient d’irrésistibles éclats de rire. C’est deux livres par nuit, mon cher monsieur. Par nuit, entendons-nous !

— Par nuit ! et, par conséquent, soixante livres si ce voyage dure un mois ? Eh bien ! monsieur, sachez-le, je ne payerai pas cela. La plaisanterie ne prend pas, répondit Thompson rageusement, en s’étendant de nouveau.

— Dans ce cas, monsieur, déclara Baker avec un flegme imperturbable, je vais avoir l’avantage de vous mettre dehors.

Thompson regarda son adversaire, et vit qu’il ne badinait pas. Déjà Baker allongeait ses longs bras.

Quant à espérer un secours des spectateurs, il n’y fallait pas songer. Ravis de cette vengeance inespérée, ils se tordaient, les spectateurs.

Thompson préféra, en cédant, éviter une lutte dont l’issue n’était pas douteuse. Il se leva sans ajouter un mot, et se dirigea vers l’échelle du capot. Avant d’en gravir le premier échelon, il crut bon toutefois de protester.

— Je cède à la force, dit-il avec dignité, mais je proteste énergiquement contre le traitement qui m’est infligé. On aurait dû me prévenir que mes quarante livres ne m’assuraient pas la liberté de dormir en repos.

— Mais la chose allait de soi, répliqua Baker qui paraissait tomber des nues. Non certes, vos quarante livres ne vous donnent pas le droit de dormir sur les matelas de la Société, pas plus que de boire dans les verres ou de manger à la table de la Société. Passage, je suppose, ne veut pas dire matelas, fauteuil, claret et beafsteack ! Si vous voulez de ces choses, il faudra les payer, et tout cela est horriblement cher par le temps qui court ! »

Et Baker s’étendit nonchalamment sur le matelas qu’il venait de conquérir, tandis que Thompson défaillant montait à tâtons les degrés de l’échelle.

Le malheureux avait compris.

On croira sans peine qu’il dormit mal. Il passa la nuit entière