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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

ce temps pour explorer un kilomètre de route au trot allongé d’un cheval. Par contre, les dix minutes suivantes parurent plus longues, et chacune d’elles rendit plus singulier le retard de Robert. À la vingtième, Roger n’y tint plus.

« Nous ne pouvons attendre davantage, déclara-t-il nettement. Cette disparition du guide ne me dit rien qui vaille, et je suis convaincu qu’il est arrivé quelque chose à M. Morgand. Pour moi, je vais à sa rencontre sans plus tarder.

— Nous irons avec vous, ma sœur et moi, dit Alice d’une voix ferme.

— Nous irons tous, » s’écria sans hésiter l’unanimité des touristes.

Quelles que fussent ses pensées cachées, Jack Lindsay ne fit à ce projet aucune opposition, et, comme les autres, il poussa son cheval à vive allure.

La route rapidement suivie par la petite cavalcade se déroulait entre deux murailles crayeuses coupées perpendiculairement.

« Un vrai coupe-gorge ! » gronda Roger entre ses dents.

Pourtant, rien d’anormal n’apparaissait. En cinq minutes, on eut franchi un kilomètre sans rencontrer un être vivant.

À un coude du chemin, les touristes s’arrêtèrent soudainement, tendant l’oreille. Un brouhaha confus, ressemblant au murmure d’une foule, parvenait jusqu’à eux.

« Dépêchons-nous ! » cria Roger en mettant son cheval au galop.

En quelques secondes, la troupe des cavaliers parvint à l’entrée d’un village d’où sortait le bruit qui avait attiré leur attention.

Village des plus singuliers en vérité, puisqu’il ne comportait pas de maisons. C’était une réédition d’Artenara. Ses habitants se logeaient aux dépens des murailles crayeuses dont la route était bordée.

Pour le moment, elles étaient vides, ces demeures de troglodytes. Toute la population, uniquement composée de nègres du plus beau noir, avait envahi la chaussée et s’agitait en poussant d’incroyables vociférations.