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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

Cinq ou six des passagers saisirent cette occasion inespérée, et débarquèrent résolument avec leurs bagages. Parmi ces désabusés figurait lady Heilbuth suivie de sa meute chérie. Ceux-là en avaient assez et le prouvaient.

Thompson n’eut pas l’air de s’apercevoir de ces défections. Au reste, elles furent peu nombreuses. Raison d’économie ou autre, la grande majorité des passagers demeura fidèle au Seamew. De ces fidèles était Saunders, et l’économie n’entrait pour rien dans sa décision. Lâcher Thompson ? Allons donc ! Non, il le tenait, et le tiendrait jusqu’au bout. Était-ce donc décidément de la haine qui emplissait le cœur de cet inquiétant passager ?

Mais tout le monde n’avait pas les raisons sans doute excellentes de Saunders ou celles meilleures encore des gens de fortune médiocre. Mrs. Lindsay par exemple. Pourquoi se serait-elle entêtée à finir ce voyage si riche en désagréments de toute nature ? Quel motif pouvait la retenir sous l’administration de l’Agence Thompson ? Ces questions, Robert, à quelques pas d’Alice qu’il contemplait à travers la nuit, se les posait avec angoisse.

Cependant, Mrs. Lindsay ne bougeait pas. Elle avait regardé passer le grand paquebot sans lui accorder la moindre attention. Non, elle ne partirait pas. Robert en eut la preuve, quand il l’entendit dire à Roger :

« Nous n’allons pas, je suppose, rester à bord pendant ces deux jours ?

— Évidemment, répondit Roger en riant encore.

— Ce retard, reprit Alice, aura du moins cela de bon, qu’il nous fera connaître un peu le pays, si vous voulez comme moi le consacrer à une excursion.

— Certainement, répondit Roger. M. Morgand et moi, nous pouvons ce soir même nous mettre en quête de moyens de transport. Voyons, nous sommes cinq, n’est-ce pas ?

Robert attendait ce moment. Il entendait ne pas se laisser