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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

— Mais de stopper, tout simplement.

— De stopper !

— Mon Dieu, oui, captain, de stopper.

Le capitaine demeura interdit, les bras ballants, les yeux écarquillés.

— Amen ! monsieur, » prononça-t-il enfin avec effort, et sans jurer cette fois par la barbe de sa mère.

Héroïquement, il exécuta l’ordre reçu. L’hélice stoppa, le Seamew demeura immobile à la surface de la mer, et la distance qui le séparait du navire poursuivant diminua graduellement. C’était bien un vaisseau de guerre portugais, reconnaissable à la longue flamme qui se déroulait à son grand mât. Vingt minutes plus tard, un mille à peine le séparait encore du Seamew.

Thompson fit alors mettre à flot une embarcation dans laquelle prirent place les agents de police. Pip n’en revenait pas. Voilà, maintenant qu’on rendait les otages !

Le lieutenant, cependant, et six de ses hommes ne s’étaient pas embarqués avec leurs camarades. L’étonnement du capitaine fut au comble, en les voyant paraître à leur tour, en voyant surtout quels singuliers colis ils transportaient.

Ces colis, colis humains, n’étaient autres que le noble don Hygino Rodriguez da Veiga et ses deux frères. Encore accablés des coups de Neptune, sortes de cadavres vivants, ils n’essuyaient aucune résistance. Le capitaine les vit passer par-dessus le bastingage, insensibles et inconscients.

« Ah çà, mais !… Ah çà, mais !… » gronda le brave capitaine, incapable de trouver une explication.

Pour surpris qu’il fut, sir Hamilton l’était plus encore. Indigné de ce traitement infligé à des gentlemen, il avait cependant mis une sourdine prudente à ses perpétuelles protestations. Provisoirement au moins, il se contenta de demander quelques éclaircissements à un matelot auprès duquel le hasard l’avait placé.

Hamilton tombait mal. Vieux homme bronzé, tanné, l’âme trop élargie par une longue contemplation de l’immensité des mers