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UNE NOCE À SAINT-MICHEL.

don Hygino un regard perçant. Et, bien entendu, vous n’avez sur ce navire aucune relation personnelle ?

Hamilton bouillait intérieurement en écoutant cet incroyable interrogatoire. Parle-t-on ainsi à des gentlemen ? Il n’y put tenir.

— Pardon, monsieur, dit-il, ces messieurs da Veiga ne manquent pas de relations ici, et ils ne seraient pas embarrassés d’y trouver des répondants.

— À qui ai-je l’honneur ?… demanda le pointu corrégidor.

Hamilton se redressa de manière à friser un lumbago.

— Au baronnet sir Georges Hamilton, dit-il d’un ton rogue.

Le corrégidor ne parut pas autrement ébloui.

— Fort bien, monsieur, fort bien ! dit-il assez cavalièrement.

Puis, ayant recommandé une fois de plus à tous les passagers de ne quitter le spardeck sous aucun prétexte, il disparut par l’un des capots, tandis que don Hygino échangeait avec Hamilton une chaleureuse poignée de mains.

La perquisition était commencée. Successivement, les furets de la police allaient parcourir les soutes, la cale, la machinerie, le poste de l’équipage, pour finir par les cabines des passagers. Au cours de cette visite méticuleuse, conduite par un magistrat dont l’aspect disait la finesse, pas un coin, si caché fût-il, ne resterait certainement inexploré.

Les passagers durent attendre longtemps. Deux heures s’écoulèrent avant que le corrégidor revînt sur le pont. Quelques minutes après six heures, il reparut enfin. L’expression renfrognée de son visage montrait assez qu’il n’avait rien trouvé.

— Dépêchons, dépêchons, messieurs, dit-il, en mettant le pied sur le spardeck. Nous allons maintenant procéder à la visite du pont et des agrès. Pendant ce temps, ces messieurs et ces dames voudront bien laisser inspecter leur personne.

Un mouvement de révolte courut parmi les passagers. L’escorte de police resserra le cercle.

— Fort bien ! fort bien ! dit le corrégidor. Vous êtes libres. Je me contenterai d’emmener les récalcitrants, et de les incarcérer