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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

À six heures et demie, le Seamew n’était plus qu’à quelques milles de la côte occidentale de Tercère. Depuis longtemps, on voyait nettement la cime de sa chaudière, dont la hauteur dépasse mille mètres. Vers le Midi, la pente paraissait assez douce et glissait jusqu’à la mer, où la terre s’achevait en une falaise accore. Mais, de toutes parts, on discernait les signes d’un récent travail souterrain. Des coulées de laves se détachaient en sombre sur le vert des vallées, des cônes de cendres et de pierres ponces se dressaient, élévations fragiles que la pluie et le vent effritent lentement.

À sept heures, un promontoire escarpé, le mont Brazil, se découvrit, semblant barrer la route. Une demi-heure plus tard, ce cap sauvage doublé, la ville d’Angra se développa. Avant huit heures, les ancres touchaient le fond de la rade, et le capitaine Pip pouvait donner l’ordre : « En place » à M. Bischop, qui laissa aussitôt tomber, sans les éteindre, les feux de sa machine.

Admirablement placés au centre de la rade d’Angra, les passagers du Seamew pouvaient contempler l’un des plus admirables panoramas dont la Terre maternelle réjouisse la vue de ses enfants. Derrière eux, la vaste mer, semée de quatre îlots : les Fadres et les Cabras ; à droite et à gauche, de noires et menaçantes falaises, s’abaissant de part et d’autre, comme pour former une couche immense, où la ville d’Angra s’étendait harmonieusement. Flanquée de ses forts au Nord et au Sud, elle élevait en amphithéâtre, aux rayons mourants du jour, ses blanches maisons, ses clochers et ses dômes. Plus loin, servant de cadre au tableau, des collines émaillées de quintas, d’orangers et de vignes, se haussaient en un escalier de mollesse, jusqu’à la campagne verdoyante et féconde qui en couronnait les derniers sommets. L’air était doux, le temps superbe, une brise parfumée soufflait de la terre prochaine. Accoudés aux batavioles du spardeck, les passagers admirèrent ce spectacle, que ses moindres proportions rendent seules inférieur à celui qu’offre la baie de Naples, jusqu’au moment où tout disparut dans la nuit grandissante.