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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

le cercle autour du cicérone. Les soldats, décidément, s’habituaient à la manœuvre. Quant à Robert, tout en ressentant vivement le ridicule de cette façon ultra-anglaise de voyager, il eut le bon esprit de n’en rien laisser paraître. Il dit sans préambule, d’un ton froid :

« C’est ici, mesdames et messieurs, le lieu de premier établissement des Flamands, qui colonisèrent cette île avant les Portugais. Vous remarquerez que les habitants de cette vallée ont conservé dans une large mesure les traits physiques, les costumes, le langage et l’industrie de leurs ancêtres. »

Robert se tut brusquement comme il avait commencé. Que les infortunés touristes fussent hors d’état de remarquer quoi que ce fût, ainsi qu’il les y invitait, ce n’était pas son affaire. D’ailleurs, on parut satisfait. On remarqua, puisque tel était le programme, de loin, de très loin, et aucune réclamation ne surgit.

Au signal de Thompson, la colonne se reforma comme un régiment exercé, et les yeux se détournèrent passivement du paysage enchanteur.

C’était vraiment dommage. Enserrée de collines aux doux contours, sillonnée par des ruisselets qui, réunis, deviennent plus bas le torrent dont on venait de remonter le cours, la Vallée Flamande s’étale, pleine d’une virgilienne mollesse. Aux gras pâturages où paissent des troupeaux de bœufs, succèdent des champs de froment, de maïs, d’orge, et, capricieusement dispersées, de blanches maisons brillent aux rayons du soleil.

— Une Suisse normande, dit Roger.

— Un reflet de notre pays, » ajouta mélancoliquement Robert en se remettant en marche.

Contournant la ville de Horta par le Nord, la colonne obliqua un peu sur la droite, et la Vallée Flamande ne tarda pas à disparaître. Après les champs rappelant les perspectives de la Normandie, on traversait maintenant des entreprises de cultures maraîchères. Oignons, pommes de terre, ignames, pois, tous les