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KÉRABAN-LE-TÊTU.

Lorsqu’il fallut franchir l’extrémité de la chaîne, afin de redescendre sur la Dobroutcha, des pentes d’une raideur presque inabordable, des tournants dont le coude brusque ne permettait pas à l’attelage de tirer d’ensemble, des chemins étroits, bordés de précipices, plus faits pour le cheval que pour la voiture, tout cela prit du temps et ne se fit pas sans une grande dépense de mauvaise humeur et de récriminations. Plusieurs fois, on dut dételer, et il fallut caler les roues pour se tirer de quelque passe difficile, — et les caler surtout avec un grand nombre de piastres, qui tombaient dans la poche des postillons, menaçant de revenir sur leurs pas.

Ah ! le seigneur Kéraban eut beau jeu pour pester contre le gouvernement actuel, qui entretenait si mal les routes de l’empire, et se souciait si peu d’assurer une bonne viabilité à travers les provinces ! Le Divan ne se gênait pas, pourtant, quand il s’agissait d’impôts, de taxes, de vexations de toutes sortes, et le seigneur Kéraban le savait de reste ! Dix paras pour traverser le Bosphore ! Il en revenait toujours là, comme obsédé par une idée fixe ! Dix paras ! dix paras !

Van Mitten se gardait bien de répondre quoi que