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KÉRABAN-LE-TÊTU.

correspondants de Salonique, d’Erzeroum, de Latakié, de Bafra, de Trébizonde, sans oublier mon ami Van Mitten, de Rotterdam ! Depuis trente ans, en ai-je expédié de ces ballots de tabac aux quatre coins de l’Europe !

— Et fumé ! dit Van Mitten.

— Oui, fumé… comme une cheminée d’usine ! Et je vous demande s’il est quelque chose de meilleur au monde ?

— Non, certes, ami Kéraban.

— Voilà quarante ans que je fume, ami Van Mitten, fidèle à mon chibouk, fidèle à mon narghilé ! C’est là tout mon harem, et il n’y a pas de femme qui vaille une pipe de tombéki !

— Je suis bien de votre avis ! répondit le Hollandais.

— À propos, reprit Kéraban, puisque je vous tiens, je ne vous abandonne plus ! Mon caïque va venir me prendre pour traverser le Bosphore. Je dîne à ma villa de Scutari, et je vous emmène…

— C’est que…

— Je vous emmène, vous dis-je ! Allez-vous faire des façons, maintenant… avec moi ?

— Non, j’accepte, ami Kéraban ! répondit Van Mitten. Je vous appartiens corps et âme !