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KÉRABAN-LE-TÊTU.

Le fourneau des narghilés fut aussitôt empli de tabac ; mais il va sans dire que, si le seigneur Kéraban fit bourrer le sien de tombéki d’origine persane, suivant son invariable coutume, Van Mitten s’en tint à son ordinaire, qui était du latakié de l’Asie Mineure.

Puis, les fourneaux furent allumés ; les fumeurs s’étendirent sur un banc, l’un près de l’autre ; le long serpenteau, entouré de fil d’or et terminé par un bouquin d’ambre de la Baltique, trouva place entre les lèvres des deux amis.

Bientôt l’atmosphère fut saturée de cette fumée odorante, qui n’arrivait à la bouche qu’après avoir été délicatement rafraîchie par l’eau limpide du narghilé.

Pendant quelques instants, le seigneur Kéraban et Van Mitten, tout à cette infinie jouissance que procure le narghilé, bien préférable au chibouk, au cigare ou à la cigarette, demeurèrent silencieux, les yeux à demi fermés, et comme appuyés sur les volutes de vapeurs qui leur faisaient un édredon aérien.

« Ah ! voilà qui est de la volupté pure ! dit enfin le seigneur Kéraban, et je ne sais rien de mieux, pour passer une heure, que cette causerie intime avec son narghilé !