Page:Verne - Kéraban-le-Têtu, Hetzel, 1883, tome 1.djvu/204

Cette page a été validée par deux contributeurs.

194
KÉRABAN-LE-TÊTU.

Le seigneur Kéraban lança la dernière bouffée de son narghilé, au moment où le postillon se mettait en selle, et la chaise prit la route qui descend vers Kherson.

Il y avait dix-sept lieues à faire à travers un pays peu fertile. Çà et là, des mûriers, des peupliers, des saules. Aux approches du Dnieper, dont le cours de près de quatre cents lieues se termine à Kherson, s’étendent de longues plaines de roseaux, qui semblaient tachetées de bleuets ; mais ces bleuets s’envolaient à tire d’ailes au bruit de la chaise : c’étaient des geais azurés, et leurs piaulements causaient plus de déplaisir aux oreilles que leurs chatoyantes couleurs ne causaient de plaisir aux yeux.

Le 29 août, dès l’aube, le seigneur Kéraban et ses compagnons, après une nuit sans incidents, arrivaient à Kherson, chef-lieu du gouvernement, dont la fondation est due à Potemkin. Les voyageurs ne purent que se féliciter de cette création de l’impérieux favori de Catherine II. Là, en effet, se trouvaient un bon hôtel, dans lequel ils firent halte pendant quelques heures, et des magasins suffisamment approvisionnés pour refaire les réserves comestibles de la chaise, — tâche dont Bruno,