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KÉRABAN-LE-TÊTU.

tère ; mais depuis lors, il y était rentré, comme on rentre chez soi. En réalité, peut-être eût-il mieux fait de céder, et il n’aurait pas hésité, sans doute, s’il avait su ce que lui réservait l’avenir. Mais il ne convient pas d’anticiper sur les événements, qui seront l’enseignement de cette histoire.

« Eh bien, mon maître ? lui dit Bruno, quand tous deux arrivèrent sur la place de Top-Hané.

— Eh bien, Bruno ?

— Nous voilà donc à Constantinople !

— Oui, Bruno, à Constantinople, c’est-à-dire à quelque mille lieues de Rotterdam !

— Trouverez-vous enfin, demanda Bruno, que nous soyons assez loin de la Hollande ?

— Je ne saurais jamais en être trop loin ! » répondit Van Mitten, en parlant à mi-voix, comme si la Hollande eût été assez près pour l’entendre.

Van Mitten avait en Bruno un serviteur absolument dévoué. Ce brave homme, au physique, ressemblait quelque peu à son maître, — autant, du moins, que son respect le lui permettait : habitude de vivre ensemble depuis de longues années. En vingt ans, ils ne s’étaient peut-être pas séparés un seul jour. Si Bruno était moins qu’un ami, dans la maison, il était plus qu’un domestique. Il