Page:Verne - Kéraban-le-Têtu, Hetzel, 1883, tome 1.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.

107
KÉRABAN-LE-TÊTU.

d’une pipe que le sein de leur nourrice. Ce fut de se mettre à fumer, de combattre l’envahissement des cousins à coups de bouffées de tabac. Comment n’y avait-il pas déjà songé ? S’ils résistaient à l’atmosphère nicotique qu’il allait emprisonner dans son cabriolet, c’est que ces insectes ont la vie dure au milieu des marécages du bas Danube !

Bruno tira donc de sa poche sa pipe de porcelaine à fleurs émaillées, — une sœur de celle qui lui avait été si impudemment volée à Constantinople. Il la bourra comme il eût fait d’une arme à feu qu’il comptait décharger sur les troupes ennemies ; puis, il battit le briquet, alluma le fourneau, aspira à pleins poumons la fumée d’un excellent tabac de Hollande, et la rejeta en énormes volutes.

L’essaim bourdonna tout d’abord en redoublant ses assourdissants coups d’ailes, et se dispersa peu à peu dans les angles les plus obscurs du cabriolet.

Bruno ne put que se féliciter de sa manœuvre. La batterie qu’il venait de démasquer faisait merveille, les assaillants se repliaient en désordre ; mais, comme il ne cherchait pas à faire de prisonniers, — bien au contraire, — il ouvrit rapidement le