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LES CONQUISTADORES DE L’AMÉRIQUE CENTRALE

naissait si mal l’espagnol qu’il était dans l’impossibilité presque absolue de traduire ce qu’il comprenait à peine lui-même, et que la langue péruvienne devait manquer de mots pour exprimer des idées si étrangères à son génie, on sera peu surpris de savoir que du discours du moine espagnol Atahualpa ne comprit presque rien. Il est certaines phrases, cependant, qui, s’attaquant à son pouvoir, le frappèrent de surprise et d’indignation. Il n’en fut pas moins modéré dans sa réponse. Il dit que, maître de son royaume par droit de succession, il ne comprenait pas qu’on eût pu en disposer sans son consentement ; il ajouta qu’il n’était nullement disposé à renier la religion de ses pères pour en adopter une dont il entendait parler pour la première fois ; à l’égard des autres points du discours, il n’y comprenait rien ; c’était chose, pour lui, toute nouvelle, et il serait bien aise de savoir où Valverde avait appris tant de choses merveilleuses. — « Dans ce livre, » répondit Valverde, en lui présentant son bréviaire. Atahualpa le prit avec empressement, en tourna curieusement quelques feuillets et, l’approchant de son oreille : « Ce que vous me montrez là, dit-il, ne me parle pas et ne me dit rien ! » Puis il jeta le livre à terre.

Ce fut le signal du combat ou plutôt du massacre. Les canons et les mousquets entrèrent en jeu, les cavaliers s’élancèrent, et l’infanterie tomba l’épée à la main sur les Péruviens stupéfaits. En quelques instants, le désordre fut à son comble. Les Indiens