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LES CONQUISTADORES DE L’AMÉRIQUE CENTRALE

Plusieurs auteurs espagnols, et Zarate notamment, déguisent les faits, qui leur ont sans doute paru trop odieux, et rejettent la trahison sur Atahualpa. Mais on possède aujourd’hui trop de documents pour ne pas être forcé de reconnaître avec Roberston et Prescott toute la perfidie de Pizarre. Il était très-important pour lui d’avoir l’inca en sa possession et d’en user comme d’un instrument, ainsi que Cortès avait fait de Montézuma. Il profita donc de la simplicité et de l’honnêteté d’Atahualpa, qui avait ajouté une entière céance à ses protestations d’amitié et ne se tenait pas sur ses gardes, pour organiser un guet-apens dans lequel ce dernier ne pouvait manquer de tomber. Au reste, pas un scrupule dans l’âme déloyale du conquérant, autant de sang-froid que s’il allait livrer bataille à des ennemis prévenus, et, cependant, cette infâme trahison sera un éternel déshonneur pour sa mémoire.

Pizarre divisa donc sa cavalerie en trois petits escadrons, laissa en un seul corps toute son infanterie, cacha ses arquebusiers sur le chemin que devait parcourir l’Inca et garda auprès de lui une vingtaine de ses plus déterminés compagnons.

Atahualpa, voulant donner aux étrangers une haute idée de sa puissance, s’avançait avec toute son armée. Lui-même était porté sur une sorte de lit décoré de plumes, recouvert de plaques d’or et d’argent, orné de pierres précieuses. Entouré de baladins et de danseurs, il était accompagné de ses principaux seigneurs, portés comme lui sur les épaules de leurs serviteurs.