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HIER ET DEMAIN.

fixé sur moi ses deux yeux fauves. Il s’est élancé d’un bond qu’il n’a pu achever qu’en se retournant sur lui-même, car je l’ai abattu d’une balle au défaut de l’épaule. C’est le premier coup de fusil que j’aie tiré de ma vie, mais, mille diables ! il me fera quelque honneur, et je ne le donnerais pas pour un milliard de dollars !

« Voici les millions qui vont revenir », pensai-je.

En ce moment, les deux noirs arrivaient, traînant effectivement le cadavre d’un tigre rouge de grande taille, animal à peu près inconnu dans cette partie de l’Amérique. Son pelage était d’un fauve uniforme, ses oreilles noires, et l’extrémité de sa queue noire également. Je ne m’occupai pas de savoir si Hopkins l’avait tué, ou s’il lui avait été fourni convenablement mort, voire empaillé, par un Barckley quelconque, car je fus frappé de la légèreté et de l’indifférence avec laquelle mon spéculateur parlait de son squelette. Et pourtant, il était clair que toute cette affaire lui coûtait alors plus de cent mille francs !

Ne voulant pas lui faire savoir que le hasard m’avait rendu maître du secret de ses mystifications — il eût été capable d’en rendre grâce à la Providence —, je lui dis simplement :

— Comment allez-vous sortir de cette impasse ?

— Parbleu ! me répondit-il, de quelle