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LA DESTINÉE DE JEAN MORÉNAS.

filial de Jean Morénas ne se démentit pas un instant. Ce fut à l’expiration de la dernière de ces cinq années, au moment où celui-ci atteignait à son tour vingt-cinq ans, qu’un deuxième et plus terrible malheur fondit sur cette famille déjà si cruellement éprouvée.

À quelque distance de la maisonnette qu’elle habitait, le propre frère de la veuve, Alexandre Tisserand, tenait l’unique auberge du village. Avec l’oncle Sandre, ainsi que Jean avait coutume de l’appeler, vivait sa filleule, Marie. Bien longtemps auparavant, il l’avait recueillie, à la mort des parents de la fillette. Entrée dans l’auberge, elle n’en était plus sortie. Aidant son bienfaiteur et parrain dans l’exploitation de la modeste hôtellerie, elle y avait vécu, franchissant successivement les étapes de l’enfance et de l’adolescence. Au moment où Jean Morénas atteignait vingt-cinq ans, elle en avait dix-huit, et la fillette de jadis était devenue une jeune fille aussi douce et tendre que jolie.

Elle et Jean avaient grandi côte à côte. Ils s’étaient divertis ensemble aux jeux de l’enfance, et la vieille auberge avait maintes fois retenti de leurs ébats. Puis, par degrés, les distractions avaient changé de nature, en même temps que se modifiait lentement, tout au moins dans le cœur de Jean, l’enfantine amitié d’autrefois.

Un jour vint où Jean aima comme une