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aurait dû faire un retour sur lui-même, revenir à de meilleurs sentiments envers ces quelques semblables que Dieu lui avait fait la grâce de laisser près de lui, et ne plus les considérer comme matière utilisable à son profit seulement.

Il n’en fut rien. Si Isac Hakhabut eût changé, il n’aurait pas été le spécimen accompli de ce que peut devenir l’homme qui ne pense qu’à lui-même. Au contraire, il s’endurcit à plaisir et ne songea plus qu’à ceci : exploiter la situation jusqu’au bout. Il connaissait assez le capitaine Servadac pour être assuré qu’il ne lui serait fait aucun tort ; il savait que son bien était sous la sauvegarde d’un officier français, et qu’à moins d’un cas de force majeure, rien ne serait tenté contre lui. Or, ce cas de force majeure ne semblait pas devoir se produire, et voici comment Isac Hakhabut entendait exploiter la situation.

Les chances de retour à la terre, si peu assurées qu’elles fussent, méritaient cependant qu’il en fût tenu compte, d’une part. De l’autre, l’or et l’argent, anglais ou russes, ne manquaient pas dans la petite colonie, mais ce métal n’avait de valeur que s’il reprenait circulation sur l’ancienne terre. Il s’agissait d’absorber peu à peu toute la richesse monétaire de Gallia. L’intérêt d’Isac Hakhabut était donc celui-ci : vendre ses marchandises avant le retour, car, par leur rareté même, elles avaient plus de valeur sur Gallia qu’elles n’en auraient sur la terre, mais attendre que, par suite