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c’est que le feu central conservait son activité, et ils en conclurent que si l’éruption ne se faisait plus par le volcan, c’est que d’autres bouches ignivomes s’étaient ouvertes à la surface de Gallia.

Ainsi se passèrent février, mars, avril, mai, on peut dire dans une sorte d’engourdissement moral dont ces séquestrés ne pouvaient se rendre compte. La plupart végétaient sous l’empire d’une torpeur qui devenait inquiétante. Les lectures, écoutées d’abord avec intérêt, ne réunissaient plus d’auditeurs autour de la grande table. Les conversations se limitaient à deux, à trois personnes et se faisaient à voix basse. Les Espagnols étaient surtout accablés et ne quittaient guère leur couchette. À peine se dérangeaient-ils pour prendre quelque nourriture. Les Russes résistaient mieux et accomplissaient leur tâche avec plus d’ardeur. Le défaut d’exercice était donc le grave danger de cette longue séquestration. Le capitaine Servadac, le comte Timascheff, Procope voyaient bien les progrès de cet engourdissement, mais que pouvaient-ils faire ? Les exhortations étaient insuffisantes. Eux-mêmes, ils se sentaient envahir par cet accablement particulier et n’y résistaient pas toujours. Tantôt c’était une prolongation inusitée de sommeil, tantôt une invincible répugnance pour la nourriture, quelle qu’elle fût. On eût vraiment dit que ces prisonniers, enfouis dans le sol comme les tortues pendant l’hiver,