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Innocente manie, après tout ! Quoi qu’il en soit, Ben-Zouf n’avait qu’une seule aspiration, revenir à Montmartre, sur la butte, et finir ses jours là où ils avaient commencé, — avec son capitaine, cela va sans dire. Aussi Hector Servadac avait-il les oreilles sans cesse rebattues des beautés sans pareilles accumulées dans le XVIIIe arrondissement de Paris, et commençait-il à le prendre en horreur.

Cependant, Ben-Zouf ne désespérait pas de convertir son capitaine, — bien décidé, d’ailleurs, à ne le jamais quitter. Son temps était fini. Il avait même fait deux congés et allait abandonner le service à l’âge de vingt-huit ans, lui simple chasseur à cheval de première classe au 8e régiment, quand il fut élevé à la position d’ordonnance d’Hector Servadac. Il fit campagne avec son officier. Il se battit à ses côtés en plusieurs circonstances, et si courageusement même qu’il fut porté pour la croix ; mais il la refusa, afin de rester l’ordonnance de son capitaine. Si Hector Servadac sauva la vie à Ben-Zouf au Japon, Ben-Zouf lui rendit la pareille pendant la campagne du Soudan. Ce sont là de ces choses qui ne s’oublient jamais.

Bref, voilà pourquoi Ben-Zouf mettait au service du capitaine d’état-major deux bras « trempés de tout leur dur », comme on dit en langue métallurgique, une santé de fer, forgée sous tous les climats, une vigueur physique qui lui eût donné droit à s’appeler le