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plein, qui ne pesait pas moins de deux cents livres, projectile que le canon envoyait ordinairement à une distance de deux lieues. En suivant avec une lunette ce boulet pendant sa trajectoire, on pourrait facilement voir le point où il tomberait dans la mer, et, par conséquent, évaluer approximativement la portée actuelle de l’énorme bouche à feu.

Le canon fut chargé, on le braqua sous un angle de quarante-deux degrés, de manière à accroître le développement de la trajectoire, et, au commandement du major, le coup partit.

« Par saint Georges ! s’écria le brigadier.

— Par saint Georges ! » s’écria le major.

Les deux exclamations avaient été lancées en même temps. Les deux officiers étaient restés là, bouche béante, et ils ne pouvaient en croire leurs yeux.

En effet, il avait été impossible de suivre le projectile, sur lequel l’attraction agissait moins qu’elle n’eût agi à la surface de la terre. On ne put, même avec les lunettes, constater sa chute dans la mer. Il fallut donc en conclure qu’il avait été se perdre bien au delà de l’horizon.

« Plus de trois lieues ! dit le brigadier.

— Plus… oui… certes ! » répondit le major.

Et, — était-ce une illusion ? — à cette détonation de la pièce anglaise, sembla répondre une faible détonation qui venait du large.