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II LE LONG DU CANAL Le Kaw-djer se retourna alors vers Karroly et lui dit en langue indienne : "Nous ne serons pas trop de deux pour transporter l’indien jusqu’à la chaloupe, et sans secousses. Laisse le jaguar à cette place, et tu reviendras le chercher. En effet, le plus difficile serait, à présent, de suivre la coupure de la falaise qui aboutissait à la grève, et d’une telle inclinaison qu’il eût fallu ramper pour la monter et glisser pour la descendre. Le blessé n’avait pas repris connaissance, et un souffle faible, irrégulier, soulevait sa poitrine. Toutefois, même mort, le Kaw-djer voulait le ramener au campement de Wallah. "Ce ne sera peut-être plus qu’un cadavre, dit-il, mais les siens l’auront vu une dernière fois." La descente commença, avec autant de prudence que d’adresse afin d’éviter les chutes. Karroly déploya également une vigueur extraordinaire, en s’arc-boutant contre les saillies des roches, rete- nant le corps que dirigeait le Kaw-djer. Il se produisit un éboulis de caillous qui faillit les faire choir tous deux. Dix minutes, il ne fallut pas moins pour atteindre l’étranglement de la coupure et déboucher sur la plage. Là, nouvelle halte, dont Karroly profita pour aller reprendre le corps du jaguar, et ce ne fut pas sans peine et sans dommage pour sa fourrure qu’il put le transporter au pied de la falaise. Lorsqu’il eut pris pied sur la plage, le Kaw-djer, qui écoutait le cœur de l’indien, se releva et ne prononça pas une seule parole. Le blessé fut alors conduit à travers la plage bossuée de petites roches et semée d’innombrables coquillages. 23