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deux ans de vacances.

du nord, et, si elle se maintenait, elle servirait la yole à l’aller comme au retour.

En tout cas, cette brise resta favorable pour la traversée de l’ouest à l’est. La nuit était très obscure – circonstance heureuse pour Briant qui voulait passer inaperçu. En se dirigeant au moyen de la boussole, il avait la certitude d’atteindre la rive opposée qu’il suffirait de remonter ou de descendre, suivant que la légère embarcation l’accosterait en dessus ou en dessous du cours d’eau. Toute l’attention de Briant et de Moko se portait dans cette direction, où ils craignaient d’apercevoir quelque feu – ce qui eût très probablement indiqué la présence de Walston et de ses compagnons, car Doniphan devait plutôt être campé sur le littoral, à l’embouchure de l’East-river.

Six milles furent enlevés en deux heures. La yole n’avait pas trop souffert de la brise, bien que celle-ci eût quelque peu fraîchi. L’embarcation accosta près de l’endroit où elle avait atterri la première fois, et dut longer la rive pendant un demi-mille, afin de gagner l’étroite crique par laquelle les eaux du lac s’écoulaient dans le rio. Cela prit un certain temps. Le vent étant debout alors, il fut nécessaire de marcher à l’aviron. Tout paraissait tranquille sous le couvert des arbres, penchés au-dessus des eaux. Pas un glapissement ni un hurlement dans les profondeurs de la forêt, pas un feu suspect sous les noirs massifs de verdure.

Pourtant, vers dix heures et demie, Briant, qui était assis à l’arrière de la yole, arrêta le bras de Moko. À quelques centaines de pieds de l’East-river, sur la rive droite, un foyer à demi éteint jetait sa lueur mourante à travers l’ombre. Qui était campé là ?… Walston ou Doniphan ?… Il importait de le reconnaître, avant de s’engager dans le courant du rio.

« Débarque-moi, Moko, dit Briant.

— Vous ne voulez pas que je vous accompagne, monsieur Briant ? répondit le mousse à voix basse.

— Non ! Mieux vaut que je sois seul ! Je risquerai moins d’être vu en approchant ! »