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stone's hill.

tout un monde d’oiseaux aux brillantes couleurs, au milieu desquels on distinguait plus particulièrement des crabiers, dont le nid devait être un écrin, pour être digne de ces bijoux emplumés.

J.-T. Maston et le major ne pouvaient se trouver en présence de cette opulente nature sans en admirer les splendides beautés.

Mais le président Barbicane, peu sensible à ces merveilles, avait hâte d’aller en avant ; ce pays si fertile lui déplaisait par sa fertilité même ; sans être autrement hydroscope, il sentait l’eau sous ses pas et cherchait, mais en vain, les signes d’une incontestable aridité.

Cependant on avançait ; il fallut passer à gué plusieurs rivières, et non sans quelque danger, car elles étaient infestées de caïmans longs de quinze à dix-huit pieds. J.-T. Maston les menaça hardiment de son redoutable crochet, mais il ne parvint à effrayer que les pélicans, les sarcelles, les phaétons, sauvages habitants de ces rives, tandis que de grands flamants rouges le regardaient d’un air stupide.

Enfin ces hôtes des pays humides disparurent à leur tour ; les arbres moins gros s’éparpillèrent dans les bois moins épais ; quelques groupes isolés se détachèrent au milieu de plaines infinies où passaient des troupeaux de daims effarouchés.

« Enfin ! s’écria Barbicane en se dressant sur ses étriers, voici la région des pins !

— Et celle des sauvages », répondit le major.

En effet, quelques Séminoles apparaissaient à l’horizon ; ils s’agitaient, ils couraient de l’un à l’autre sur leurs chevaux rapides, brandissant de longues lances ou déchargeant leurs fusils à détonation sourde ; d’ailleurs ils se bornèrent à ces démonstrations hostiles, sans inquiéter Barbicane et ses compagnons.

Ceux-ci occupaient alors le milieu d’une plaine rocailleuse, vaste espace découvert d’une étendue de plusieurs acres, que le soleil inondait de rayons brûlants. Elle était formée par une large extumescence du terrain, qui semblait offrir aux membres du Gun-Club toutes les conditions requises pour l’établissement de leur Columbiad.

« Halte ! dit Barbicane en s’arrêtant. Cet endroit a-t-il un nom dans le pays ?

— Il s’appelle Stone’s-Hill[1] », répondit un des Floridiens.

Barbicane, sans mot dire, mit pied à terre, prit ses instruments et commença à relever sa position avec une extrême précision ; la petite troupe, rangée autour de lui, l’examinait en gardant un profond silence.

  1. Colline de pierres.